Changement climatique: comment libérer l’action citoyenne?

Un chercheur de l’UNIGE a synthétisé deux décennies d’études scientifiques sur le changement climatique pour identifier les obstacles au changement des comportements individuels et la façon de les surmonter.

Pourquoi n’y a-t-il toujours pas plus d’actions individuelles pour contrer le changement climatique? Que faire pour que les individus osent agir dans leur périmètre d’action ? Afin de répondre à ces questions, un chercheur de l’Université de Genève (UNIGE) a intégré les résultats de la littérature scientifique sur le changement climatique dans le cadre d’un policy brief du Geneva Science-Policy Interface (GSPI). L’objectif? Synthétiser les éléments qui bloquent l’action citoyenne et proposer des solutions pour permettre aux autorités politiques d’y remédier.

Le changement climatique occupe une place prépondérante dans la recherche scientifique, tant en sciences naturelles que sociales. Pourtant, les études sur le climat ne sont pas forcément accessibles aux décideurs, car trop complexes, adressées à un public cible ou publiées au mauvais moment. «C’est pourquoi le Geneva Science-Policy Interface (GSPI) met en place des policy briefs, dont le but est de synthétiser la littérature scientifique publiée sur un domaine particulier, la vulgariser et la transmettre aux bonnes personnes au bon moment», explique Nicolas Seidler, directeur du GSPI. Le comportement face au changement climatique est le thème du premier policy brief du GSPI, fruit du travail de Tobias Brosch, professeur à la Section de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’UNIGE.


Cinq barrières psychologiques bloquent le changement de comportement individuel

En se basant sur plus de 400 études de psychologie, neurosciences, sciences affectives ou encore d’économie comportementale, Tobias Brosch fait ressortir cinq catégories de barrières qui empêchent l’individu de modifier son comportement en vue de contrer le changement climatique. Pour chacune d’entre elles, le chercheur genevois émet ensuite des recommandations pour les faire tomber.

«La première catégorie concerne les barrières perceptuelles, explique Tobias Brosch. En effet, notre cerveau peine à percevoir le phénomène du changement climatique, car celui-ci est abstrait : on ne peut ni le voir, ni le sentir ou le toucher directement.» Pour faire tomber cette première barrière, le chercheur genevois indique qu’il faut mettre en avant l’impact direct que le changement climatique peut avoir sur l’individu, en le traduisant en expériences concrètes. «Il s’agit de rendre ce phénomène local et immédiat, d’exposer ses conséquences. Nous sommes notamment en train de finaliser une simulation en réalité virtuelle qui permet de ressentir l’impact du changement climatique sur Genève.»

La deuxième barrière touche aux intérêts propres et aux bénéfices personnels immédiats. «Certaines personnes ne voient pas en quoi changer leur comportement leur est bénéfique. Il s’agit donc de mettre en avant divers avantages qui découlent directement de ce changement de comportement: le vélo est bon pour la santé, le partage augmente son réseau social, une voiture électrique témoigne d’un statut économique et social. Remettre des prix qui récompensent un comportement est aussi un bon moyen d’influencer les habitudes», illustre Tobias Brosch.

Les barrières morales constituent la troisième catégorie. A l’heure actuelle, agir pour le climat ne fait pas encore partie des devoirs pour être une bonne personne. Mais comment lier changement climatique et morale? «Cela peut passer par la religion, avec par exemple les déclarations du Pape François qui fait de la protection de la planète un devoir religieux», explique Tobias Brosch. Il faut aussi adapter la communication aux diverses sensibilités politiques, les personnes de gauche étant généralement plus sensibles à la cause du climat que les conservateurs.

La quatrième catégorie concerne les barrières sociales : pourquoi devrais-je changer mon comportement si mon voisin voyage toute l’année en avion? Si l’on constate que les autres ne font rien pour protéger le climat, il est difficile de consentir soi-même à des sacrifices. «Il faut alors communiquer un maximum sur le fait que de nombreuses personnes agissent pour le climat, et que cette mobilisation augmente sans cesse, précise le chercheur genevois. Pour cela, les dernières manifestations et l’effet Greta sont un bon moteur.»

Enfin, les barrières d’action constituent la dernière catégorie, et l’une des plus importantes. «Souvent, les individus ne savent simplement pas quoi faire pour contrer le changement climatique à leur échelle, ou cette tâche leur paraît trop grande», expose Tobias Brosch. Il recommande alors de communiquer sur les comportements qui ont le plus fort impact. «Ma mère me disait toujours d’éteindre la lumière lorsque je quittais une pièce. C’est très bien, mais l’impact est minime, se souvient-t-il. Par contre, réduire les vols en avion, privilégier le vélo, bien isoler les maisons ou encore diminuer sa consommation de viande, là le changement est perceptible!»


Synthétiser, vulgariser et recommander pour agir

Une fois ces cinq barrières clairement identifiées, il convient de transmettre ces recommandations aux autorités politiques qui, elles, peuvent inciter les citoyens à modifier leur comportement. «L’effet Greta a déjà transmis un formidable élan de mobilisation auprès de la jeunesse, en agissant directement sur les barrières sociales, morales et d’action», relève Tobias Brosch. Mais cela n’est pas suffisant. C’est pourquoi les autorités politiques, tout comme les autorités académiques dont l’UNIGE, doivent fortifier leurs liens avec les organisations internationales et œuvrer à la recherche et à la communication des actions possibles pour tout un chacun.

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